La continuité écologique de la Creuse de plus en plus menacée
Cette année 2024 est marquée par le retour en force des projets de micro-centrales hydroélectriques sur la Creuse (Bénavent, St Gaultier…).
Un intérêt énergétique plus que discutable, voire un non-sens économique
La Creuse a déjà beaucoup donné à l’électricité. Sept ouvrages EDF sont opérationnels sur les 125 kilomètres amont. Ils fournissent un productible non négligeable (200 GWH/an) grâce à une grande hauteur de chute. Ces ouvrages sont pilotables par la présence d’une capacité de stockage, contrairement aux ouvrages de basse chute qui sont en projet.
On recense 31 obstacles en aval de ces barrages jusqu’à la confluence avec la Vienne, leur réarmement dans le contexte défavorable de l’évolution climatique est l’exemple même de la mal-adaptation. La production espérée est ridicule (20 fois moins que les ouvrages EDF). C’est un modèle non adapté au milieu spécifique de la Creuse. Il est déjà largement dépassé par les progrès d’autres technologies dans le domaine de l’énergie.
La situation des migrateurs marins sur la Creuse
Historiquement, la Creuse est une rivière à poissons migrateurs marins. 3 espèces emblématiques fréquentent encore ces eaux (saumon atlantique, lamproie marine, grande alose). L’objectif de la préservation de leur milieu est profitable à la biodiversité générale de la rivière. Le SDAGE Loire Bretagne considère la Creuse comme un axe migratoire prioritaire et un réservoir biologique. Au cours des deux derniers siècles, nous avons assisté à la régression de leur espace vital au point qu’aujourd’hui, elles sont classées «en danger critique d’extinction».
La responsabilité des obstacles transversaux sur la perte de biodiversité:
Les causes de l’effondrement de la biodiversité de nos rivières sont multiples, mais la multiplication des ouvrages à but énergétique en est une des principales. Ces obstacles même équipés de passes à poissons ne garantissent pas de façon optimale la migration et ils provoquent un allongement du temps de migration pour les rescapés avec des conséquences néfastes sur les conditions de réussite de la reproduction des espèces concernées. L’existence de l’ouvrage entraînera toujours une élévation de la ligne d’eau. Contrairement à l’idée totalement fausse comme quoi l’existence d’une telle retenue réduit les risques de crue, elle contribuera bien au contraire à les augmenter.
L’État : Des objectifs à géométrie très variable
La politique environnementale de l’État est très difficile à suivre : En 1994, dans le cadre du plan Loire grandeur nature, le ministre de l’Écologie de l’époque, M. Barnier, signe un arrêté d’effacement du barrage le plus en aval sur l’axe. L’arasement du barrage de Maisons Rouges est effectif en 1999.
On assiste à la recolonisation des secteurs amont par le Saumon atlantique, la Lamproie marine et la Grande Alose, attestée par les résultats de la station de comptage de Descartes (https://www.logrami.fr/). Après cette embellie, la reconquête reste au point mort et la situation s’est de nouveau dégradée. Après de nombreuses tergiversations, un nouvel objectif est défini en 2017 par les préfets du 36 et 37. Cette note stratégique a indirectement fixé une limite sur le nombre de sites exploitables dans les règles administratives actuelles et par la mise aux normes des contrevenants. Tout est remis en cause par la nouvelle doctrine du préfet actuel qui abandonne le raisonnement global sur l’axe Creuse et revient à une analyse au cas par cas, ouvrage par ouvrage. Il ruine ainsi les petites avancées antérieures. Après l’effacement d’obstacle en aval, on maintient des murs en amont.
Devant cet état de fait, l’association Indre Nature associée à d’autres partenaires, attaquera ces arrêtés. Comme pour le barrage de Fontgombault, l’histoire se répétant, notre association sera toujours la garante du respect des lois environnementales, en espérant avoir le même succès. Dans le cas contraire, nos pauvres espèces piscicoles migratrices amphihalines encombreront les musées et parcs zoologiques.
Christian Toussaint